Camille Desmoulins, sa femme Lucile et leur bébé Horace. Portrait de famille (artiste anonyme XVIIIe siècle), Versailles, Musée national du Château de Versailles, 1792.

 

En ce beau matin de mars 1785, le jeune Camille Desmoulins fait une drôle de tête. Alors qu’il vient de réussir tout juste son admission au barreau de Paris, il se promène mélancolique et solitaire dans les jardins du Luxembourg. Car le malheureux Camille a un petit problème…

Il bégaye dès qu’il doit parler en public. Difficile alors de devenir une star des prétoires. Pour se consoler, il écrit des poèmes enflammés pour sa voisine de quartier, Mme Duplessis, mais surtout pour sa fille, Lucile. Car, en voulant séduire la mère, Camille est tombé amoureux de la fille. Dans la famille Duplessis, qui tient salon mondain rue de Condé, on s’amuse de cette folle passion du jeune avocat sans le sou pour une adolescente que taquine l’acné. Jusqu’au jour où Camille ose demander en mariage Lucile : on conseille alors au jeune téméraire de se faire un nom avant de penser au moindre mariage. Un nom, Desmoulins, se le fait à la surprise générale, en juillet 1789, en prenant la parole en public pour inciter le peuple à faire tomber la Bastille. Un coup d’éclat qui lui vaut, d’abord de ne plus bégayer – un miracle révolutionnaire – puis de devenir, aux yeux de tout Paris, l’homme du 14 Juillet. Une célébrité à laquelle succombe la famille Duplessis qui lui accorde la main de leur fille. Et le 29 décembre 1790, en l’église Saint-Sulpice, Lucile devient Madame Desmoulins sous le regard attendri du meilleur ami du mari : Maximilien Robespierre. Quatre ans plus tard, Camille s’oppose avec virulence à la Terreur. Robespierre ne lui pardonnera pas : le 31 mars 1794, Camille est emprisonné au Palais du Luxembourg, suivi de peu par Lucile qui ne verra jamais son vingt-cinquième anniversaire. Les amants du Luxembourg finissent tous deux sous la guillotine et entrent à jamais dans la légende.

Jean Acacio