De la mode, des baskets et des horaires des filles de Saint-Germain-des-Prés…

Saint-Germain est un village qu’il faut pouvoir arpenter. Mais ces dernières années, la mode féminine, en matière de chaussures, ne s’était pas beaucoup prêtée à l’exercice. À croire que mettre un pied devant l’autre pouvait être vulgaire, pas assez parisien, pas assez intéressant. Stilettos trop hauts, chaussures compensées difficiles à stabiliser sur les pavés ou godillots, comme lestés par du plomb, avaient rendu l’exercice périlleux pour une femme. Fallait-il faire cent mètres qu’elle pensait légitimement à appeler un Uber, criait au marathon, hurlait à l’épuisement nécessitant de reprendre son souffle dans un café. Ça, c’était avant que les sneakers n’envahissent le marché. Portant aux nues ce qui, jadis, était détesté : le confort. Désormais, libérée, délivrée, la Germanopratine trottine en sportswear. Va, vit et devient là où ses baskets la portent. Terminés les grands airs qui la poussaient à se distinguer de sa consœur la New-Yorkaise, convertie au « plat » depuis des décennies, la Parisienne a enfin ringardisé l’escarpin. Jetées aux orties les hauteurs de 12 cm de la téléréalité et relégués au rang des tortures chinoises les minuscules talons aiguilles qui ont fait la fortune des cordonniers dans les années 2000. Désormais, un rendez-vous et elle laisse sa Smart au garage pour marcher. Un miracle, un progrès ? Oui, si l’on considère que la mode lui permet enfin de se déplacer sans entrave. Non, si l’on considère qu’une injonction – jadis celle d’une élégance perchée – a été remplacée par une autre : avoir la ligne pour garder une silhouette élancée sans l’artifice des talons. Désormais, la vie de la Germanopratine semble ne plus valoir le coup d’être vécue si elle n’a pas engrangé ses 10 000 pas quotidiens calculés par l’iPhone comme le minimum d’exercice. On vous prévient, en 2023, si une amie qui habite le « zéro‑six » vous dit « J’arrive » pour vous rejoindre n’importe où dans Paris, vous pouvez être sûr qu’il faudra compter, en réalité, une demi-heure d’attente avant de la voir débouler avec cette excuse irréfutable et toujours méritoire à donner : « J’ai préféré venir à pied ».

Anaïs Ferrand

 

Photo © Apostolos Vamvouras / Pexels