Le soleil darde ses rayons… bla bla. Au-delà du contentement éprouvé à la vision du ciel bleu, un problème aigu se pose à vous. En 2023, de quelle couleur doit être votre bronzage ? 

Certes, tout dépend d’où vous partez côté peau. Entre le blanc lavabo et le caramel il y a un monde, et si vous êtes noir, félicitations, le problème est résolu. Car, pour tenir son rang à Saint-Germain-des-Prés quand on a le type caucasien, c’est tout un art de maîtriser le nuancier, allant du miel au marron clair, selon l’activation de la mélanine. L’objectif étant d’obtenir un doré light façon bonne mine peaufinée négligemment en terrasse d’un café ou sur une chaise du Luxembourg. Ici, en effet, l’outrance « Point Soleil » à la Julio Iglesias est proscrit. Réservé aux cagoles du sud, qui se fichent de leur capital solaire comme de leur premier pan-bagnat, le style brugnon cramoisi a vécu, autant pour les hommes que pour les femmes. Casquette, crème indice 50, bob en éponge, chapeau… tout subterfuge est par ailleurs le bienvenu pour vous épargner le rouge écrevisse du coup de soleil connoté buveur de bière londonien. Mais attention, pas question de rester blafard. Le gothique passe assez mal la barre des 25 ans. Au-delà, le teint pâle évoque plutôt un Covid long. Résultat, à ce jour, nous sommes formels : rien de mieux que l’autobronzant pour assurer la teinte désirée. En ville, rappelons-le, l’artifice est encore le meilleur garant du naturel recherché. Car autant nous connaissons le minutage de cuisson des œufs à la coque ou mollets, autant nous ne pouvons vous recommander un temps d’exposition, tant les résultats sont personnels. L’important, aussi laborieux soyez-vous, c’est qu’on n’y voit que du feu. Et à vous d’inventer la vie qui va avec « J’étais récemment à l’île de Ré, en Normandie, en Californie ou sur un rooftop » passera comme une lettre à La Poste. Après tout, qui a besoin de savoir qu’en réalité, vous suez sang et eau sans voir le jour cet été pour payer votre appartement du quartier à 20 000 € le mètre carré ? Personne, et surtout pas ces touristes arrogants que vous croisez et devant lesquels vous avez un rang à tenir, celui de l’élégance germanopratine. Tête haute, teint insolemment hâlé. Les airpods vissés aux oreilles, l’ordinateur greffé au cerveau et les angoisses du cadres sup, vous ? Jamais.

Anaïs Ferrand