Carole Fernandez, rédactrice en chef de Cerise, Pierre Cornette de Saint-Cyr et Bertrand Lavier à la terrasse des Deux Magots

© Sébastien Courivaud

Pierre Cornette de Saint-Cyr, star des commissaires priseurs, fervent défenseur de l’art sous toutes ses formes et Bertrand Lavier*, artiste plasticien, nous livrent avec passion leurs visions croisées sur l’art contemporain. Un entretien de haute volée face au clocher Saint-Germain. Extraits…

« Les grands artistes ont toujours montré le futur : ils nous permettent de mieux voir dans quel monde nouveau nous sommes ! » s’exclame le commissaire priseur en guise d’introduction A la vérité, nulle nostalgie d’un temps passé « forcément meilleur » anime les deux amis de longue date, mais bel et bien une vision convaincue que notre société – « celle qui a connu entre 1950 et 2000 plus de découvertes qu’en 1 000 ans » – est encore capable de nous étonner, d’ailleurs : « l’art fonctionne comme un décodeur de l’époque » précise l’artiste qui, à la pointe de la modernité, utilise un logiciel 3D comme un objet usuel et qui compare son art à celui d’une « greffe ». A l’instar de cette statue de Vénus préhistorique, de 24 000 ans notre aînée, et d’à peine 14 cm de haut, qu’il a fait « atterrir dans notre ère » sous forme de plâtre et à coup de « 3D ». Résultat bluffant, une Vénus d’Amiens sous la forme d’une statue de 2 m aux allures de Venus de Milo ! Photos, peinture, plâtre – toutes les techniques sont possibles – pourvu que la rencontre imprévue de deux choses en produise une troisième inédite. Mais alors, dans cet univers foisonnant avec la création d’aujourd’hui, comment définir ce qui est vraiment de la nature de l’art ? Une question qui fait souvent réfléchir le commissaire priseur : « En fait, il y a une règle fondamentale précise le président d’honneur du palais de Tokyo, pour reconnaître les talents et les mérites d’un artiste d’art contemporain : c’est la règle des 3 I : Inventeur, Imitateur ou Idiot ». On aimerait bien savoir qui, aujourd’hui, est un véritable inventeur, un pâle imitateur ou un simple idiot, mais le débat risque d’être cruel… « En fait, précise Pierre Cornette de Saint-Cyr, ce qui manque le plus pour mieux faire apprécier et donc comprendre l’art contemporain, c’est la promotion de la création française, car à part les collectionneurs privés, on ne peut pas dire que les musées prennent beaucoup de risques… »
Deux cigares plus tard, « indispensables, précise-t-il, pour refaire le monde en terrasse », nos deux complices finissent par tomber d’accord : « Vous voulez comprendre l’art contemporain ? C’est très simple ! » et ils citent Picasso s’adressant à une néophyte : « Madame, l’art, c’est comme le chinois, ça s’apprend ». Et ce ne sont pas les deux magots qui veillent sur notre entretien qui diront le contraire…

Carole fernandez

* Exposition « Photographie ? » de Bertrand Lavier à la galerie Visconti jusqu’au 17 décembre.