Vous comptiez vous asseoir au hasard à une terrasse de Saint-Germain-des-Prés cet été ? Surtout pas malheureux… Avant de vous poser, réfléchissez.

 

1. Sélectionnez, pour musarder – vous allez rester en poste deux bonnes heures minimum, car il ne s’agit pas de prendre un verre mais de regarder le spectacle vivant du passage de la faune germanopratine – un lieu qui soit à l’abri des pots d’échappements. Faites une exception pour le Flore et les Deux Magots qui sont des classiques du genre. Mais jetez un œil au Bonaparte, à La Société, à La Palette, à l’ensemble de la rue de Buci et aux petites rues qui partent du carrefour de l’Odéon, toutes plus au calme. Votre bilan écologique n’en sera que meilleur. Vous voulez la Dolce Vita, pas un cancer des poumons.

2. Placez-vous en « front row » comme aux défilés de mode. C’est-à-dire au premier rang des chaises, surtout place Saint-Sulpice au Café de la Mairie, où les places sont chères. Vous êtes parisien et avez un standing à tenir ? Soyez intraitable, laissez les mauvaises places aux touristes. De toute façon, votre réputation n’est plus à faire auprès des étrangers : vous êtes snob et exécrable. Frayez-vous donc un chemin de force en devanture. Si vous ne trouvez vraiment pas de disponibilité, prenez un air dégagé en discutant près d’un arbre et ruez-vous vers le tabouret du premier client qui s’apprête à partir. Peu élégant mais efficace. Et c’est tout ce qui compte, in fine.

3. Choisissez, de préférence, une table « vanille-chocolat », c’est-à-dire disposant d’une chaise au soleil et d’une autre à l’ombre. Établissez ensuite un turnover avec votre accompagnant pour ne finir ni blanc comme un Japonais sous ombrelle, ni marronnasse comme un Tropézien au mois d’août. Votre objectif ? Le hâle germanopratin, juste doré à point pour draguer chez Castel ou à La Gauche Caviar le soir venu.

4. Mettez de la couleur dans votre verre et veillez à trouver un angle qui mettra en valeur votre boisson. Idéalement, un petit rayon de lumière doit tomber sur votre Spritz orangé ou votre menthe à l’eau bourrée de colorants industriels. Bannissez radicalement tout breuvage qui pourrait vous faire basculer du côté « boring » de la force en paraissant pâlichon. C’est l’été : le liquide que vous ingurgitez doit paraître tout droit sorti d’une palette Pantone®. Évidemment, en 2016, inutile de vous préciser combien la piscine de champagne est « over ». A la limite, si vous aimez les pastels, autorisez-vous un petit rosé. Ce vin est à l’été ce que la petite robe noire est aux soirées : un classique.

5. Vérifiez que vous êtes à portée d’oreille d’une dizaine de voisins minimum. Personne ne doit rater le récit blasé de vos vacances à Formentera ou l’avancée de votre scénario, voire le cheminement de votre album de musique acoustique actuellement en post-production. Si vous êtes comptable ou informaticien, brodez et rendez-vous intéressant : dites que vous tenez un blog. Pérorez autant que possible, le spectacle n’est plus dans la salle, il est outdoor. Et c’est vous la star.

6. Enfin, n’oubliez jamais vos lunettes de soleil à verres miroir. Maintenant que vous voici très visible, vous devez pouvoir éviter de croiser le regard de ceux qui pourraient vous causer des soucis : un ex qui vous harcèle, un copain à qui vous devez de l’argent ou, plus simplement, votre moitié qui ignore tout de ce rencard Tinder qui vous fait rire à gorge déployée. Oui, personne ne l’ignore, la vie est un chemin semé d’embûches… Vous nous remercierez.

Anaïs Ferrand